Le 1er mai, au départ, ça s'appelait Journée Internationale des Travailleurs, puis Fête des Travailleurs, et à présent Fête du Travail... Pour mieux comprendre cette « fête », qui n'a pas toujours été rose, mais plutôt rouge (de sang), revenons un peu en arrière... En 1793, la France crée une 1ère Fête du Travail, le 1er Pluviôse (Janvier), mais sans lendemain. L'histoire du 1er mai commence le 28 septembre 1864, à Londres... Des ouvriers, « prolétaires » et partisans de la « lutte des classes », venus de toute l'Europe, réunis dans la capitale anglaise, fondent l'Association Internationale des Travailleurs, la 1ère Internationale Ouvrière: les statuts sont rédigés par Karl Marx lui-même... En juillet 1889, Friedrich Engels crée, au Congrès de Paris, la 2ème Internationale Ouvrière, moins anarchiste, moins marxiste, plus socialiste: en France, en 1905, elle prend le nom de SFIO : et en mai 1969, François Mitterand la transforme en Parti Socialiste... Mais revenons à l'histoire du 1er mai...
Le 1er Mai 1886, aux Etats Unis d'Amérique: suite à la pression des syndicats et à de nombreuses grèves, près de 200 000 travailleurs américains obtiennent la journée de 8 heures... Cependant, quelques 340 000 travailleurs, dont les patrons n'ont pas accepté la revendication, entament une grève générale, paralysant ainsi près de 12 000 usines à travers tous les USA... Le 3 mai, à Chicago, en fin de meeting, des affrontements avec la police font 6 morts, 50 blessés... Le lendemain, le 4 mai, une marche de protestation est organisée, et, dans la soirée, au moment de la dispersion, 200 manifestants restent encore en face des forces de l'ordre... Boum, une bombe explose... 12 morts, dont 7 policiers... 3 syndicalistes sont condamnés à la prison à perpétuité, 5 autres, traités d'anarchistes, sont pendus, le vendredi 11 novembre 1886, dit « vendredi noir »: « Le jour viendra où notre silence sera plus puissant que les voix que vous étranglez aujourd'hui » s'écrie August Spies, l'un des suppliciés... En 1889, la 2ème Internationale Ouvrière, réunie en Congrès à Paris, (durant l'Exposition Universelle, qui commémore le centenaire de la Révolution Française), souhaite obtenir, pour tous les pays, la journée de 8 heures, soit 48 heures/semaine, le dimanche seul étant chômé: en 1889, on travaille encore de 10 à 12 heures par jour !... Le 20 juillet 1889, les congressistes décident qu'il sera « organisé une grande manifestation à date fixe, de manière que dans tous les pays et dans toutes les villes à la fois, le même jour convenu, les travailleurs mettent les pouvoirs publics en demeure de réduire légalement à 8 heures la journée de travail... Attendu qu'une semblable manifestation a été déjà décidée pour le 1er mai 1890 par l'AFL (American Federation of Labor) dans son congrès de décembre 1888, tenu à Saint-Louis, cette date est adoptée pour la manifestation »... Ainsi naquit le "1er mai", il y a 120 ans ...
Le 1er Mai 1890, en France, les manifestants portent à la boutonnière un triangle rouge symbolisant leur rêve, la division de la journée en 3 parties: "8h de travail, 8h de sommeil, 8h de loisirs "... Ce triangle est remplacé quelques années plus tard par une fleur d'églantine, puis, en 1907, à Paris, par un brin de muguet, symbole du Printemps ...
Le 1er Mai 1891, à Fourmies: dans cette petite cité du Nord de la France, la manifestation tourne au drame: l'armée, fière de ses nouveaux fusils, tire à bout portant sur la foule pacifique des ouvriers: 10 morts, dont 8 jeunes de moins de 21 ans. L'une de ces jeunes victimes, l'ouvrière Marie Blondeau, habillée tout de blanc et les bras couverts de fleurs, devient le symbole de cette journée, une sorte de Vierge « laïque »... Suite à ce drame, le 1er mai s'enracine de plus en plus dans une tradition de lutte, l'Internationale Socialiste développe le caractère revendicatif, ouvrier et international du 1er Mai...
Le 1er Mai, après la 1ère Guerre Mondiale: le traité de paix signé à Versailles, le 28 juin 1919, fixe dans son article 247: « l'adoption de la journée de 8 heures ou de la semaine de 48 heures comme but à atteindre partout où elle n'a pas encore été obtenue »... Le Gouvernement Français a déjà ratifié, officiellement, 2 mois avant, le 25 avril 1919, la journée des 8 heures et fait du 1er mai une journée chômée... Depuis, les manifestations du 1er mai ne se cristallisent plus sur les 8 heures, mais sur d'autres revendications, comme la conquête des congés payés...
Le 1er Mai 1920, en Russie Soviétique, Lénine décide de faire du 1er Mai une journée chômée. Cette initiative est peu à peu imitée par les autres pays... L'Allemagne nazie va encore plus loin : Hitler, pour se rallier le monde ouvrier, fait du 1er mai, dès 1933, une journée chômée et payée... La France l'imitera, sous l'Occupation, le 24 avril 1941: le 1er mai est officiellement désigné comme Fête du Travail et de la Concorde Sociale, il devient chômé. Cette mesure est reprise en avril 1947 par le Gouvernement de la Libération, qui fait du 1er mai un jour chômé et payé... mais pas assimilé à une fête légale... Allez savoir pourquoi...
Le 1er Mai 1936, en France: les défilés ont lieu deux jours avant les élections législatives qui amènent au pouvoir le Front Populaire et le leader socialiste, Léon Blum, à la tête du Gouvernement : c'est la victoire des ouvriers, la semaine des 40 heures, les 15 jours de congés payés, les conventions collectives...
Le 1er Mai 2010: Au niveau du Travail et de la Justice Sociale, y'a encore de quoi défiler et revendiquer, comme nos grands-parents, en 1936, qui scandaient leurs slogans et reprenaient en choeur ce vieux refrain de la Commune de Paris: "Quand nous chanterons le temps des cerises, et gai rossignol et merle moqueur seront tous en fête... J’aimerai toujours le temps des cerises et le souvenir que je garde au coeur "...