Un beau matin de juillet, le
réveil a sonné dès le lever du soleil,
Alors j'ai dit à ma poupée : Faut te s' couer, c'est aujourd'hui qu'il
paaaasse…!
C'est comme cela que Boris Vian chantait les défilés. Défilés militaires, défilés royaux, présidentiels ou municipaux, personnellement, je n'y trouve aucun intérêt. Je n'y
vais pas.
Je crains les cérémonies "officielles". D'autant que comme Boris, au cas où les forces
de l'ordre devraient intervenir, je penserais "qu'on n'est pas là pour se faire engueuler." Et puis, j'ai peur de la foule. Foule aveugle et anonyme, grand corps sans âme.
Boris Vian disait aussi que le jour où personne ne reviendra d'une guerre c'est qu'elle aura été bien faite. Alors moi, qui n'ai pas le génie de Boris, je ne regarde pas non plus le défilé du 14 juillet à la télévision.
Si c'est pour voir des gus en uniforme qui n'ont pas connu le feu, et des généraux de salon parader sur de très gros engins mortels qui coûtent une fortune à la Nation, non merci. Et si c'est pour voir de très vieux soldats, enrôlés volontaires
ou embrigadés d'office, qui ont vécu l'enfer à cause de la connerie humaine, non merci, une fois de plus. Bien que je les aime, ceux-là, et que je les porte fidèlement dans mon cœur. Seulement, à cause de cela, je serais
incapable de les regarder dans les yeux et de leur mentir en leur promettant qu'ils n'ont pas été martyrisés pour rien, que jamais plus de telles horreurs ne reviendront, que nous avons compris
la leçon...
Tout ce chambard autour du 14 juillet où s'entremêlent je ne sais plus quoi au juste, la révolution française, des
démonstrations de force militaire, des relents de guerres mondiales...
Les petits enfants, grâce à Dieu, n'y
voient surtout que les feux d'artifices, et les adultes, les bals populaires. En tout cas ils y pensent comme à un jour férié, jour de repos et jour de fête.
Eh bien ! Tant mieux.
S'il fallait exhumer ce qui s'est vraiment passé durant cette chère révolution dont nous tirons une gloriole incroyable, personne, je crois, ne voudrait s'y coller. Qui voudrait revivre
la Terreur,
les massacres de septembre, et revoir Danton très mutin dire
: " De l'audace, toujours de l'audace et encore de l'audace ! " en ordonnant la Grande Terreur ?
On vit des assassinats par milliers partout en France sur l'air de la terrible Carmagnole " Ah ! Ça ira, ça ira, ça ira ! "
On allait au pied de la guillotine voir trépasser les autres en disant " Allons au pied du grand autel voir célébrer la messe rouge." Rien
qu'à Paris en 1794, on réussit à trucider sous sa lame 1 360 pauvres hères en 47 jours ! Je vous fais grâce des centaines et des centaines de " suspects " qu'on crut bon de noyer dans la Garonne
et dans la Loire quand la " sainte " guillotine venait à manquer...
Epoque de haine et
de folie. Dix ans de tueries, de pillages, d'injustices, de dénonciations,
de guerre civile tout simplement, qui ne laissa à la France devenue misérable qu'une seule
alternative : se jeter dans les bras d'un certain Bonaparte après que les Danton, Fouquier-
Tinville, les Robespierre et autre Saint-Just se soient entre-égorgés.
Un certain Bonaparte qui s'empressera de n'être pas plus fidèle à l'esprit de la révolution que
les autres. Il reniera sa parole et se fera sacrer empereur sous le nom de Napoléon
1er.
Celui-ci laissera à la France un code Napoléon entièrement calqué sur le
droit romain (ce
qui, mine de rien, nous fit faire un bond en arrière de pas mal de siècles), et la mise en place
du service militaire obligatoire...
Alors " qu'un sang impur abreuve nos sillons ", non
merci, là encore.
Quel sang est impur ? Le vôtre, le mien ? Sur quels critères ? Et quel combattant, en
danger de mort, ne souhaite-t-il pas être plutôt auprès des siens, dans son foyer ? Mais il sait que
s'il ne tire pas, c'est l'autre en face qui le fera. L'autre qui a exactement les mêmes ambitions
que lui : retrouver sa famille et son pays, si possible vivant, et pas les deux pieds en avant, dans un
cercueil.
Tenez, je vais encore faire une citation, de Desproges, cette fois :
" L'ennemi est con. La preuve : il croit que l'ennemi c'est nous, alors que c'est lui"... Histoire
de fous...
N'allez pas croire: je sais chanter la Marseillaise. Et j'ai la chair de poule quand je l'entends jouer
parce que c'est l'hymne national. Je ne peux pas renier mon éducation. Mais je n'aime pas ses paroles, elles me sont étrangères...
Catherine Bastère-Rainotti - Chronique de la Vie Ordinaire © 17 juillet 2004 (tdr) - (Extraits)