Que serais-je sans toi qu'un coeur au bois dormant.
Que cette heure arrêtée au cadran de la montre.
Que serais-je sans toi que ce balbutiement.
J'ai tout appris de toi sur les choses humaines.
Et j'ai vu désormais le monde à ta façon.
J'ai tout appris de toi comme on boit aux fontaines
Comme on lit dans le ciel les étoiles lointaines.
Comme au passant qui chante, on reprend sa chanson.
J'ai tout appris de toi jusqu'au sens de frisson.
J'ai tout appris de toi pour ce qui me concerne.
Qu'il fait jour à midi, qu'un ciel peut être bleu
Que le bonheur n'est pas un quinquet de taverne.
Tu m'as pris par la main, dans cet enfer moderne
Où l'homme ne sait plus ce que c'est qu'être deux.
Tu m'as pris par la main comme un amant heureux.
Qui parle de bonheur a souvent les yeux tristes.
N'est-ce pas un sanglot que la déconvenue
Une corde brisée aux doigts du guitariste
Et pourtant je vous dis que le bonheur existe.
Ailleurs que dans le rêve, ailleurs que dans les nues.
Terre, terre, voici ses rades inconnues.
Cette magnifique déclaration d'Aragon, merveilleusement mise en musique et chantée par Jean Ferrat, c'est, je crois, l'un des tout premiers beaux textes émouvants que j'ai découvert, adolescent, en préparant mon Bac... Le hasard a fait que c'est aussi sur cette très jolie chanson que j'ai rencontré, plus tard, l'amour de ma vie, la maman de ma fille, Marion...
Jean Ferrat, le dernier des Grands, avec Brel, Brassens, Ferré et les autres, Jean Ferrat nous a quitté aujourd'hui, à 79 ans, dans sa chère Ardèche, cette si belle région qui lui avait inspiré sa célèbre chanson: "Pourtant, que la montagne est belle, comment peut-on s'imaginer, en voyant un vol d'hirondelles, que l'automne vient d'arriver ?"... Au revoir, camarade, salut, Jean Ferrat !